Protectionnisme Sectoriel et Ciblé

Approche économique de l’Union Populaire républicaine

 

 

Rappel Historique

Depuis la proclamation de l’indépendance, l’économie Tunisienne a globalement expérimenté trois modèles successifs.

D’abord, l’expérience du collectivisme qui s’inscrivait dans une économie dirigée, balisée par une planification à travers des plans quinquennaux.

L’Etat y occupait une part prépondérante comme agent économique et principal investisseur et gestionnaire. La période qui suivit fut marquée par une prudente libération avec une distorsion du marché notamment par l’instrumentalisation du clientélisme. Une ouverture du marché aux importations fut graduellement initiée mais restait fortement encadrée par des autorisations sélectives frisant les privilèges. L’investissement direct étranger fut favorisé grâce à la loi 72 qui ne manqua pas d’avoir des retombées favorables sur les emplois peu ou non qualifiés.

Les difficultés économiques survenues en 1986 ouvrirent la porte à l’intervention du FMI qui imposa le PAS masquant le début d’une libéralisation forcée. Depuis 1995, date de la ratification des accords de libre échange avec l’U.E, la Tunisie s’est engagée à marche forcée vers ce qu’il a été convenu d’appeler « l’ouverture de l’économie Tunisienne sur le monde » se soumettant aux vœux du FMI , la Tunisie s’est engagée dans la voie de la libéralisation avec comme corollaire l’ouverture du marché Tunisien aux importations, la privatisation d’entreprises nationales, l’impératif de maitrise, l’inflation et les dépenses publiques. La Tunisie s’est appliquée à être un bon élève du FMI peu importe ce que cela en a coûté en préjudices sociaux, en inégalité de la répartition de la richesse, en licenciements ou en mises anticipées à la retraite. Les dernières décennies du règne de Ben Ali ont été marquées par une croissance molle incapable de répondre à la demande grandissante en emplois d’une jeunesse de plus en plus diplômée. Il en résulta l’émergence d’une minorité qui accumulait les richesses et le déclassement de la classe moyenne.

La survenue de la révolution du 17 Décembre – 14 Janvier trouve l’essentiel de ses origines dans l’échec du modèle économique conduit.

Etat des lieux

Néanmoins, les différents gouvernements qui se sont succédés après la révolution ont persévéré dans le même modèle. Confrontés à des facteurs exogènes en rapport avec la difficulté de la transition, ces gouvernements ont tous opté pour une politique budgétaire expansionniste accumulant les déficits budgétaires jusqu’à atteindre du PIB les 9%. D’autre part, la baisse de la production et l’intensification de l’importation des biens de consommation a aggravé le déficit de la balance commerciale, engendré à la dévaluation effective de la monnaie et donné un coup de fouet à l’inflation. La Tunisie est aujourd’hui confrontée à une stagflation avec un chômage touchant essentiellement les jeunes et en particulier les diplômés.

Pour financer cette fuite en avant, les gouvernements ne cessent de recourir à l’endettement. Le service de la dette va grandissant alors que les recettes fiscales risquent de stagner du fait de la baisse de l’activité exposant le pays à une grave crise pouvant menacer de la cessation de payement.

 

Ce que nous proposons

L’UPR considère que la seule issue qui s’offre aujourd’hui pour une sortie de crise réside dans l’application d’un protectionnisme sectoriel.

L’UPR prône l’arrêt de l’importation de toutes les marchandises qui peuvent être produites localement. Ce qui conduira les entreprises locales  à s’agrandir et incitera à la création de nouvelles unités. La protection devra porter sur les secteurs et non sur les entreprises. De ce fait, elle stimulera la concurrence et améliorera la qualité et la compétitivité. Il s’en suivra une plus grande offre d’emplois et donc une réduction du chômage.

Le gain en pouvoir d’achat des nouvelles recrues boostera la demande et par conséquent la croissance et l’investissement pour répondre à une demande grandissante. La disponibilité sur le marché du travail d’une jeunesse instruite et diplômée offrira l’élasticité nécessaire aux entreprises pour répondre à la pression de la demande.

Au total, nous parviendrons à une véritable relance de la croissance et de l’investissement par le bais d’une consommation qui se reportera préférentiellement si ce n’est quasi-exclusivement sur la production locale.

L’UPR est toutefois conscient que ce modèle sera confronté à au moins quatre difficultés.

1-   Les exigences des accords ratifiés avec l’OMC qui exigent une ouverture sans entrave à l’importation.

Pour cela l’UPR propose :

-       L’application d’une TVA dissuasive sur les produits importés en dehors des biens nécessaires à l’appareil de production.

-       Des exigences sanitaires des plus rigoureuses.

-       Des formalités administratives de grande « exigence ».  

2-   Les exigences du FMI qui sont invariablement ; l’équilibre budgétaire, la maitrise de l’inflation, la libéralisation, la privatisation et le désengagement de L’Etat.

Or, même si les deux premières sont en conformité avec la bonne gestion, il peut se trouver que l’intérêt conjoncturel exige plutôt l’acceptation d’un certain déficit budgétaire et la tolérance d’une certaine inflation.

Quant à la libéralisation qui suppose des conditions de concurrence pure et parfaite, L’Etat se doit de garantir à travers un système judiciaire juste et transparent. Toutefois, il est bien évident que les entreprises Tunisiennes dans leur état actuel sont incapables de résister à la concurrence étrangère et la concurrence doit se restreindre dans cette première phase aux entreprises locales.

 

Enfin, La Tunisie indépendante a été édifiée sur un modèle de solidarité sociale garanti par L’Etat et tout désengagement de sa part constituerait un abandon de franges entières de la population laissées sans filets de sécurité.

 

L’UPR choisit au nom de l’intérêt national de s’opposer au diktat du FMI.

 

3-   Le protectionnisme sectoriel risque de susciter la désapprobation des partenaires étrangers, qu’il convient de diviser en deux groupes :

 

-       Les pays de l’UE.

-       Les pays hors UE.

Pour les premiers, il sera aisé de les rassurer sur le maintien des mêmes volumes d’échanges avec une demande qui sera seulement reportée sur des biens que nous sommes encore incapables de produire.

Pour les seconds, l’état du déséquilibre de notre balance ostentatoirement en leur faveur et l’absence d’enjeux stratégiques qui nous lient à eux nous dispensent de toute justification.

 

4-   Les barons locaux, ceux qui ont accumulés des fortunes colossales en inondant le marché local de diverses marchandises importées ne peuvent apprécier ce modèle économique en partie introverti. Leur pouvoir de nuisance est loin d’être négligeable mais l’intérêt national doit prévaloir.

 

 

 

La Fiscalité

 

L’acquittement du devoir fiscal emporte peu l’adhésion des Tunisiens. Cette carence relève autant d’un déficit de conscience citoyenne que d’un manque de confiance dans L’Etat. A ce titre, une meilleure transparence de la gestion publique peut contribuer à susciter l’adhésion citoyenne au devoir fiscal.

Toutefois, et tout en reconnaissant l’existence d’une évasion fiscale, chez les professions libérales et les bénéficiaires du régime forfaitaire, celle-ci reste bien en de ça de l’évasion qu’autorise légalement et à force de textes de lois les niches fiscales. La multiplication des niches fiscales offre un refuge pour des bénéfices à l’imposition des plus nantis, la soustraction en toute légalité.

Les prétextes invoqués pour la création de ces niches ne semblent pas se vérifier sur le terrain de l’investissement et de la relance économique.

L’UPR appelle à une mise à plat du système fiscal actuel en supprimant les niches fiscales.

Il est toutefois clair qu’une réforme fiscale en profondeur devra être entreprise ultérieurement. Car à défaut d’avoir à repartir de la pauvreté en répartissant les revenus d’une économie en récession, la réforme ne peut assurer le rôle dévolu à la fiscalité que s’il y a une vraie reprise économique et une croissance soutenue.

D’autre part, aucune reprise ne peut-être envisagée hors du précepte fondateur de notre modèle social qu’est la solidarité.

 

Les caisses sociales

 

    Le déficit énorme enregistré par les caisses sociales, s’il s’est aggravé au cours des quatre dernières années, n’est pas un fait nouveau.

En effet, au cours des dernières années du pouvoir de Ben Ali, une réforme était en élaboration visant à différer l’âge du départ à la retraite. Cette option avait été préférée à la majoration des cotisations sociales qui aurait grevé le pouvoir d’achat des salariés, aggravé les difficultés des entreprises et limité leur compétitivité en reportant ces nouvelles charges sur les coûts de production.

Le report de l’âge de la retraite redevient à l’ordre du jour avec le présent gouvernement.

Pour l’UPR cette mesure est inefficiente et ne parviendra pas à résoudre un déficit qui est perçu aujourd’hui comme une fatalité. Pire, elle ne rendra que plus incertain l’accès à l’emploi.

L’UPR considère que le traitement du déficit des caisses passe inexorablement par une reprise économique franche et durable. L’application du protectionnisme sectoriel en est la clef et offrira des opportunités d’emploi et par conséquent de nouveaux cotisants à même de rétablir l’équilibre financier des caisses.      

 

 

 

 

La caisse de compensation

 

Instaurée comme un levier de répartition sociale, la compensation s’est muée au fil des années en un fardeau budgétaire. La rétraction des revenus de l’Etat a transformé la caisse de compensation en une obligation pénible à supporter. Les interrogations relatives à son maintien voire à son aménagement ne datent pas d’aujourd’hui.

Le marasme économique qui nous frappe en cette période de récession n’a pas tardé à faire resurgir le questionnement relatif à sa suppression ou à son aménagement surtout que des données avérées révèlent que la compensation ne va qu’en faible partie à ceux qui y ont droit.

     

Qu’est-ce que la compensation ?

 

Le constat de base est que la compensation n’est rien de plus qu’un impôt négatif, une forme de ristourne de l’Etat aux contribuables, affectée sans discernement, et de façon universelle à tous les consommateurs.

Ce qui revient à un pouvoir d’achat supplémentaire raccordé par l’Etat à tous les consommateurs. Par conséquent, c’est plus de pouvoir de demande mis entre les mains des consommateurs.

En somme, cette demande supplémentaire devrait susciter plus d’offre de la part des producteurs. Normalement, Elle devrait donner une impulsion à l’offre, donc à l’investissement et à l’emploi. Si l’Etat se trouve aujourd’hui en position de remettre en cause la caisse de compensation cela voudrait dire que le supplément de demande attendue ne s’est pas traduit en offre.  

Dans le cas d’espèce de l’économie tunisienne, la demande s’est reportée sur les biens importés. De ce fait, la compensation offre un pouvoir d’achat additionnel mais celui-ci échoue à dynamiser l’offre donc l’investissement, l’emploi, la croissance…

 Au-delà du débat, certes utile, sur l’équité de la compensation qui est loin d’en faire bénéficier exclusivement ceux qui en ont le plus besoin, cette caisse ne joue pas son rôle de vecteur de croissance comme le voudrait le bon sens économique.

Son échec tient de la faillite du modèle économique en cours.

Son annulation ne ferait que pousser dans la précarité de nouvelles cohortes de tunisiens qui ne parviennent à subsister que grâce à ce filet social.

La réduction de la population qui y a droit donnerait à l’Etat l’illusion   d’alléger le fardeau budgétaire mais administrerait inexorablement un coup de fouet à l’inflation. Les plus basses classes seraient les plus impactées et leur condition aggravée.

L’issue réside dans l’adoption d’un modèle économique capable de créer de la richesse. Pour l’UPR c’est le protectionnisme sectoriel.